La voie Potoski
Par Daniel Martin
15 janvier 2004
Antonin Potoski a 30 ans et la passion des voyages : il retranscrit ses impressions d’Afrique ou d’Asie dans cet Hôtel de l’amitié et, comme les écrivains voyageurs qui l’ont précédé, dit le paysage, les rencontres, la crasse ou l’ennui, les bonheurs fugaces « en dehors desquels tout est pénible ». La phrase, belle et souple, donne à voir, à rêver, de quoi s’étonner. Rien de très neuf en réalité si tout n’était relaté de son point de vue, celui d’un enfant « de la classe moyenne » d’un pays « privilégié », qui, comme ses congénères, « peut se permettre de se déplacer souvent » à condition d’ « y sacrifier tout le reste : je ne possède ni voiture ni moto (…), j’achète des cassettes de musique dans le tiers-monde et je me fais prêter des livres ». Soit un individu qui profite des avantages qui lui sont offerts sans en dépendre, qui voyage sans se donner de raisons « business ou religion », simplement pour le plaisir ou la nécessité d’être ailleurs : loin d’un espace, le nôtre, qu’il juge de plus en plus coupé des réalités, refermé sur ses seuls intérêts, sur des calculs égoïstes.
Il part pour aller retrouver ou rencontrer des individus qui n’ont rien de rare, mais sont uniques. Être face à eux tel qu’il est, occidental et vivant, parfaitement conscient qu’il apporte, lui aussi, sa part d’inconnu et de possibles perturbations. Une position qui lui permet d’ajouter à ses considérations toute une réflexion sur le voyage et, par exemple, de stigmatiser les nouvelles pratiques à la mode, dont « ce tourisme « intelligent » où l’on ne se contente plus de prendre des photos, mais où l’on veut « communiquer » », quand il ne s’agit pas d’ « aider » pour simplement se déculpabiliser. « Les Blancs ont fini avec la richesse, maintenant ils cherchent la pauvreté », lui dit en riant une Malienne. Que faire alors ? Potoski n’en dit rien. C’est bien l’intérêt. Il ouvre des voies, témoigne de ses expériences, fait part de ses doutes avec humour, souvent désinvolte, un peu narquois. Déplore finalement que nous ne soyons pas « prêts à voyager tels que nous sommes (tels que nous devrions être), simples, ouverts au plus dérangeant, au plus étrange, au contraire ».